Maintenance prédictive : la rencontre de l’IoT et de l’Intelligence artificielle
Longtemps considérée comme relevant de la fiction, la maintenance prédictive est devenue une réalité ces dernières années, grâce à l’intégration de plus en plus croissante d’équipements d’IoT et à l’utilisation de l’Intelligence artificielle. Pour autant qu’est-ce que la maintenance prédictive ; en quoi consiste-t–elle ; en quoi est-elle différente de la maintenance préventive et quelles sont les bases logiques et mathématiques qui la définissent. Cet article présente des éléments de réponse à ces différentes questions.
– Typologie de la maintenance
Rappelons que typologiquement il existe deux façons complémentaires d’organiser les opérations de maintenance : la maintenance corrective et la maintenance préventive. La maintenance corrective consiste à intervenir sur un équipement lorsque celui-ci est défaillant alors que la maintenance préventive a pour objectif d’éviter les pannes ; et consiste à intervenir sur un équipement avant que celui-ci ne soit défaillant. On distingue deux formes de maintenance préventive : la maintenance préventive systématique et la maintenance préventive conditionnelle . Avec les transformations numériques récentes (big data, cloud computing, capteurs connectés intelligents, Internet des objets, etc.), une nouvelle forme de maintenance dite maintenance prédictive devient possible grâce aux technologies de l’Intelligence Artificielle.
– Maintenance prédictive
La maintenance prédictive consiste à décider ou non d’une maintenance en fonction de l’état du système considéré. La philosophie de la maintenance prédictive consiste à être à l’écoute du système pour intervenir juste avant qu’il tombe en panne. Elle utilise des algorithmes analytiques et des données issues de capteurs pour estimer ce qui est généralement appelé le « Remaining Useful Life » (RUL) ou « temps restant avant défaillance ». Les approches utilisées pour l’étude générale des problèmes de maintenance prédictive des systèmes industriels sont fondées soit sur l‘analyse des signaux, soit sur l‘analyse des données, soit sur l’étude de processus stochastiques (phénomènes qui relèvent du domaine de l’aléatoire).
L’approche par analyse des signaux est basée sur la comparaison entre les signaux mesurés sur le système réel et ceux issus d’un modèle théorique afin de détecter les modifications de fonctionnement. Une projection de l’état actuel du signal « résiduel » (la différence entre les signaux de sortie du modèle et ceux du système) dans le futur, permet d’estimer le RUL et donc de déterminer le moment opportun pour réaliser une maintenance.
L’approche par analyse de données utilise des données issues de l’historique de fonctionnement du système afin de déterminer les caractéristiques qui différencient le fonctionnement normal d’un fonctionnement proche d’une défaillance. Elle utilise des méthodes de statistiques et de machine learning, telles que l’analyse discriminante, les réseaux de neurones, etc. pour établir une règle de classification qui permet, lorsqu’on dispose de nouvelles mesures effectuées, de prédire l’évolution du système et le type de panne vers laquelle il se dirige.
Dans l’approche par processus stochastiques, l’évolution de la détérioration d’un système est modélisée par un processus aléatoire et les conditions de fonctionnement du système sont représentées par une variable appelée «variable d’état». Cette variable peut prendre un nombre fini ou infini de valeurs comprises entre « système en bon état » et «système en panne». Connaissant le processus stochastique de détérioration ainsi que certaines données sur le système, nous cherchons à déterminer la politique optimale de maintenance qui minimise le coût global de cette dernière.
Suivant les informations issues du système et du nombre d’états qui le caractérisent, la politique de maintenance sera basée soit sur la densité de probabilité de panne et la période de fonctionnement du système depuis la dernière maintenance ; soit sur les probabilités de transition d’une valeur d’un état à une autre ; avec pour objectif la détermination des valeurs de l’état pour lesquelles il est optimal de réaliser une maintenance. Les outils mathématiques utilisés dans cette approche font souvent appel à des connaissances approfondies sur les chaînes de Markov, les processus markoviens, les processus de renouvellement, etc.
– Les défis de la maintenance prédictive
Le principal défi à la mise en place de la maintenance prédictive concerne essentiellement la construction d’un jeu de données de taille suffisante et surtout l’existence de données de défaillance exploitables. En effet, comme pour toute application d’intelligence artificielle, il faut un volume important de données pour assurer la robustesse des modèles qui seront construits. Un autre défi concerne la compréhension du problème de prédiction d’une panne. Il ne s’agit pas seulement d’observer les occurrences des pannes dans le passé pour comprendre comment et à quelle fréquence ces pannes se produisent. Il faut une analyse approfondie des données pour pouvoir identifier des modèles qui s’ajustent au mieux au processus de dégradation d’une machine. Enfin il faut les connaissances nécessaires pour élaborer un algorithme de maintenance prédictive.
– Avantages de la maintenance prédictive
La maintenance prédictive permet d’assurer une continuité de service, non seulement dans un objectif de productivité, mais également de satisfaction client, de confort et de sécurité des utilisateurs. Par ailleurs, avec la possibilité de connaître en temps réel la probabilité de défaillance d’un composant (et donc de le changer immédiatement si nécessaire), la maintenance prédictive permet d’éviter les pannes, de prolonger la durée de vie des équipements et donc de différer les nouveaux achats. Elle permet aussi de réduire le coût et la complexité des réparations, d’atténuer les dommages supplémentaires ou connexes, de respecter les normes réglementaires et de conformité. Aussi, malgré les difficultés liées à sa mise en place, la maintenance prédictive est une forme de maintenance qui présente beaucoup d’avantages. Elle est très bien recommandée pour la gestion des machines et systèmes destinés à des tâches critiques.
Par Olivier Tossa, Ingénieur R&D et Data scientist chez Datapole et Frédéric Gagnaire, Président Directeur Général chez Datapole.